PHILIPPE VORUZ
prix 2022

Connectivité fonctionnelle sous-jacente aux symptômes cognitifs et psychiatriques dans le syndrome post-COVID-19

L’anosognosie est-elle un déterminant clé ?

A partir de données neuropsychologiques, psychiatriques, olfactives et d’IRM fonctionnelle, Philippe Voruz et ses collègues de l’Université de Genève (UNIGE), des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) et de l’EPFL ont pu démontrer, pour la première fois, l’existence de modifications de connectivité fonctionnelle cérébrale associées à des troubles neuropsychologiques 6 à 9 mois après l’infection au SARS-CoV-2, chez des personnes ne présentant pourtant aucun antécédent médical avant l’infection.

Notre société a fait face, à partir de 2020, à la pandémie de SARS-CoV-2, entraînant dans un premier temps d’importantes conséquences pour le traitement des patient-e-s en phase aigüe.
Dès les premiers mois, que ce soit cliniquement ou sur la base de la littérature relative aux précédents coronavirus (SARS-CoV-1 et MERS), des indices suggéraient la présence potentielle de conséquences à long-terme sur le système nerveux central.
C’est dans ce contexte qu’est né le projet COVID-COG, financé par le Fonds National Suisse, dans le cadre du PNR 78 et co-dirigé par la Prof. Julie Anne Péron et le Prof. Frédéric Assal.

Ce projet avait 3 objectifs :
1) quantifier la prévalence des déficits neuropsychologiques 6-9 mois et 12-15 mois post-infection;
2) déterminer si la sévérité de la forme respiratoire en aigue prédisait les potentielles conséquences neuropsychologiques;
3) identifier les prédicteurs (psychiatriques, olfactifs, respiratoires, sociodémographiques) de ces séquelles neuropsychologiques.

Les résultats ont montré qu’une proportion significative de patient-e-s présentaient des difficultés à avoir conscience de leurs troubles cognitifs. Ce symptôme est bien connu en neuropsychologie et s’appelle l’anosognosie.
De manière intéressante, le symptôme d’anosognosie a précédemment été observé dans d’autres pathologies neurologiques, telles que les pathologies neurodégénératives (par ex. la maladie d’Alzheimer) ou à la suite d’accidents vasculaires cérébraux.

Dans ce travail publié dans le journal Brain Communications, les performances de 102 patients ayant souffert d’une infection au SARS-CoV-2 (légère, modérée ou sévère) et n’ayant pas d’antécédents cliniques (neurologiques, psychiatriques, oncologiques ou développementaux) ont été analysées et ont révélé

1) que les symptômes cognitifs étaient indépendants de la sévérité de la forme respiratoire en phase aiguë;

2) que les patient-e-s anosognosiques présentaient des performances neuropsychologiques réduites en comparaison aux autres patients de la cohorte; et

3) que les patients anosognosiques présentaient des patterns d’hypo-connectivité cortico-sous-cortico-cérébelleux, dans des régions décrites comme impliquées dans les fonctions mnésiques, exécutives et de conscience de soi (i.e., le système limbique).


Ces résultats expérimentaux et cliniques suggèrent l’existence d’un phénotype de patient-e-s ne rapportant subjectivement aucune plainte d’ordre cognitif, mais ayant objectivement des déficits neuropsychologiques et une altération de la connectivité cérébrale. Ces résultats revêtent une implication concrète dans la prise en charge des patient-e-s ayant souffert d’une infection au SARS-CoV-2 et ouvre la voie à de nouvelles recherches en médecine de précision permettant, à l’avenir, une caractérisation des phénotypes cliniques associés au syndrome neuropsychologique post-COVID-19.